6 octobre 2013
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La Chasse aux Mauvais Esprits
Tandis que je me prélassais auprès de Persycorne et des siens, au Camps des chasseurs de Château Beau, toujours par je ne sais quel mystère - et je ne la saurais jamais - Kouschnick et les siens préparaient mon retour. Comment avait-il été prévenu? Par le Chaman sans doute. Et le Chaman, lui? Par les « Forces des Voûtes Célestes », c’est à peu près sûr! C’est de toute façon l’explication la plus pratique!
Le vieux Chaman Hollyskrouck n’était plus et son successeur, venu du fond des âges, Rakakorammann, un homme corpulent menait d’une main de fer son petit monde.
Pour lui, cela ne faisait aucun doute, j’étais le « Choisi des Choisis » et il lui semblait impératif de faire un grand ménage de tout ce qui était impur dans le lieu qui serait désormais le mien; et il était évident qu‘il voyait d‘ un mauvais œil le partage de son emprise sur les hommes du clan. L’ albinos Kaokmulkcvka qui avait échappé à son prédécesseur devait être retrouvé coûte que coûte et offert en sacrifice afin d ‘apaiser les « Forces de Voûtes Célestes ». Tout était mis en œuvres dans la région pour le retrouver, malgré les longues années passées de cela.
Dans cette quête, de nombreux albinos payèrent le tribu de leur infortune. Les débiles et les handicapés de naissance aussi furent offerts en sacrifice, mais à ce grand prêtre cela ne suffisait pas. Le chasseur le plus valeureux du clan fut lui aussi sacrifié. Kouschnick vieillissant était horrifié par ces pratiques qui avaient pratiquement été oubliées avec le temps et peut-être même n’avaient jamais existées.
Rakakorammann, dans ses sermons était particulièrement violent il exigeait beaucoup d’offrandes de la part de ses oilles. C’était un tyran aux yeux de tous, il s’immisçait dans la vie de tous les jours de chacune des familles, rendant la vie impossible; tout cela en invoquant le bien-être du « Maître des Forces Célestes » et la venue du »Choisi ».
Kouschnich, malgré sa dévotion et sa crainte de l’au-delà, lui était secrètement hostile et cela ne passait pas inaperçu pour le Chaman. Finement rusé ce robuste vieillard arrivait des profondeurs du grand nord, là où rien ne pousse, où tout est gelé les trois quart de l’année. Il aboutit à Château Beau un beau matin de printemps et demanda à voir le Chaman Hollysbrouck, le nommant par son nom. Tout naturellement, lorsque ce dernier disparut de vieillesse, Rakakorammann lui succéda, déjà bien instruit par le vénérable Hollysbrouck de tout ce qui se passe dans la région et même bien au-delà. Cet événement se produisit peu de temps après mon départ pour le « Soulvègue ».
---Combien de fois me faudra-t-il te demander où est passé l’albinos Kaokmulcva? Tu sais, toi Kouschnick! Et ton silence met tous les jours un peu plus en colère le »Maître des Voûtes Célestes » et attirera inéluctablement la foudre sur ton clan
---Albinos à disparut, tu le sais très bien, le jour où l’ »Étranger venu de nulle part » est parti pour le Soulvègue!
---Curieuse coïncidence, mon?
---Ce serait plutôt un bon présage!
---Fâcheux présage!
---Qui te permet d’avoir un jugement aussi absurde!
---Je sais, Malheureux Kouschnick, que ta fille à protégé l’Albinos! Il y a bien longtemps et « l’Étranger Venu de Nulle Part » n’est toujours pas revenu ici!
---Il reviendra, j’en ai la certitude!
---Lirais-tu dans les astres? Tu n’en as pas le pouvoir!
---Inutile de lire dans les astres, Chaman, je sais qu’il reviendra!
---Tu es bien impertinent, Kouschnick, tu es chef temporel, pas spirituel, tiens toi-le pour dit une fois pour toute, sinon gare!
---Garde tes menaces, vieil homme, sinon mes chasseurs te feront taire!
----Des menaces! Scélérat! « Les forces des Voûtes Célestes » ne sont pas de ton côté, tu dois leur obéir, sinon malheur à ton clan et à ta famille.
Sur ces paroles, le Chaman quitta brusquement l’enclos de Château-Beau et s’en retourna, l’œil noir, en direction de son repère sous la falaise. Les chasseurs, sur son passage se prosternèrent en signe de respect et de soumission, car l’homme avait su se faire craindre dès son arrivée ici. Kouschnick et quelques uns de ses fidèles ont très vite manifestés une méfiance avérée à ce Rakakorammann. Ils l’ ont même soupçonné d’ avoir précipité la fin du vieux Chaman, l’ ayant privé de feu pendant un hiver particulièrement fris et humide. Le pauvre homme se mit à tousser intensément et à avoir des accès de fièvre de plus en plus rapprochés. Un soir, Rakakorammann le trouva sois disant inanimé et se permit de l’ensevelir lui-même, sans que les villageois ne puissent rendre les hommages dus aux Chaman défunt. Rakakorammann se proclama Chaman au petit matin. À la question des funérailles, il répondit qu’il avait reçu les ordres de « Forces célestes » elles-mêmes et qu’il n’y avait rien à ajouter ni à redire.
Depuis ce jour, les uns le craignirent, les autres le haïrent. Et Kouschnick ne cacha plus son inimitié pour ce Chaman. Cette année là, l’automne fut particulièrement long à mourir, favorisant la fin de la chasse et l’amassement de nombreux gibiers gros et petits. Les préparatifs pour l’hivernage aux villages de pierres du Sud avançaient et les nombreux chevaux dressés, malgré les réticences de Rakakoramann, s’avéraient de précieux auxiliaires pour le transport des viandes séchées, les peaux et les fourrures.
Ce matin là, un vol d’oies sauvages, et elles l’étaient toutes à cette époque là, surgit au dessus des falaises calcaires pour aller s’abattre sur la vaste prairie encore voyante du Blaisy en une cacophonie propre à ces volatils. Chacun profitait de cet été indien, bienfait de la nature, tout en devisant sur un hiver qui serait long et très rude, puisque les oies allaient dès à présent vers le Nord. Les massifs granitiques offraient leur plus belle parure dorée de chênes, de hêtres et de châtaigniers.
Les familles se tenaient prêts au départ, sur l’ordre de Kouschnick et une paix sans égale régnait sur le village du Château-Beau. La grand plaine de la Saône s’étendait moutonneuse au plus loin que l’œil humain puisse en discerner les limites. Les reliefs de l’Ain se confondaient, gommés, fondus dans le lointain horizon. Tous comprirent que le retour du « Choisi » serait pour la saison prochaine et ils s ‘en régulièrement.
De grands cris caverneux descendaient en cascade dessous les falaises du refuge du terrible Chaman. Semblable au Kronion Zeus tonnant au dessus des nuages noirs des cieux, Rakakoramann se ruait sur les huttes, ses hardes de laine grossière volant au vent, échevelé, édenté, brandissant au bout d’un bras son éternel lourd bâton noueux d ‘aubépine, de l’autre une poignée de couleuvres agitées, arrachées au farniente sur les pierres encore chaudes des éboulis sous roches.
---Malheur à vous tous! Gens stupides et incrédules! La colère des « Forces des Voûtes Célestes » va s ‘abattre sur vous tous par votre faute et nous seront tous engloutis par les roches fondantes des « Forces du Mal »!
Kouschnick se précipita à son devant, comme pour calmer sa folie.
---Où vas-tu, Chaman! Regarde autour de toi, tout est douceur et tout est folie!
---Tu ose ! Tu ose encore ! Tu ose toujours! Maudit!
---Bien sûr que j’ose, tu seras moins fier lorsque le « Choisi » sera de retour!
---Grand Malheur à vous tous, ignorants!
---Les oies se sont posées et dispensent la paix autour d’elles, regarde Chaman, comme la nature est belle, comme l’air est tiède! Le « Choisi » est attendu ici par une nature apaisée, les neiges de l’hiver purifieront les prairies et les forêts, « Il » sera de retour au printemps, avec les beaux jours lorsque nous reviendront ici pour l’accueillir!
Bien entendu, les Chamans ne font pas le voyage de l’hivernage et doivent rester pour veiller sur les huttes, Rakakoramann le sait très bien et c’est ce qui l’irrite le plus, car les chasseurs ne cesseront de se moquer, de le railler et de ternir son image durant tout le temps de son absence.
---Les oies ne font jamais une boucle dans le ciel avant de se poser, malheureux ignorants! C’est un présage maléfique!
Kouschnick se retenait d’éclater de rire, combien de fois les a-t-elles vues passer et repasser au dessus du plateau du Châtelet avant de se poser sur les herbes encore vertes du Blaisy!
Le Chaman hurlait au milieu des gens de la tribu, frappant férocement les chasseurs, les femmes et même les enfants sur son passage. Les chevaux qu’il haïssait ruaient parmi les chasseurs qui avaient peine à les retenir. Soudain, fondant sur l’un de chasseurs, l’infortuné Kevenever, lui fendant le crâne de son bâton, il s’empare de son arc et décoche une flèche en direction de Chérubinella qui s ‘écroule aussitôt sans même pousser un cri de douleur.
La consternation s’empare de tous les habitants, un silence pesant et plein de révolte s’abat sur le Château-Beau. Kouschnick se précipite sur sa fille et s ‘effondre en larmes, ne pouvant que constater l’irréparable que vient de commettre le Chaman. L’un des chasseurs, fou de rage, brandit sa hache de pierre et se rue sur Rakakoramann, les autres le retiennent à regret, craignant les Dieux « des Forces des Voûtes Célestes ».
---Vous voilà sauvés, il le fallait! Il fallait le sacrifice de la fille de votre chef afin d’apaiser les colères des « Forces des Voûtes Célestes »! Maintenant partez en paix et revenez aux beaux jours préparer la venue du « Choisi » qui nous apportera et pour toujours la « Sérénité »!
Le vieux, satisfait des ses deux meurtres de la journée au nom des Dieux sois disant si coléreux, satisfait aussi d’avoir l’assurance de la main mise sur le Clan pour l’avenir. Ce vieux fou, bien que venu après le départ du « Choisi », n’ignorait pas les sentiments qui unissait ce dernier à Cherubinella.
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